Lettre d’information 1997 (Archives)

⭕️ Afin de faciliter la lecture, nous vous proposons le facsimilé et une transcription d’extraits.

Cette sélection d’archives a pour but de présenter le travail des membres de l’association et le combat pour relayer l’information. Les lettres d’information étaient imprimées en noir et blanc.

📆 1997

Lettre d’information 1997

 

EDITORIAL

Laurent Peters

Sans doutes ?

Sans doute ne faut-il pas comparer les systèmes éducatifs, sans doute faut-il croire aux libertés et aux identités culturelles. Sans doute faut-il laisser le temps au temps. Mais alors, sans force, nous abandonnerions l’enfance à l’embrigadement et à l’inégalité comme fondement du système éducatif.

Pourquoi et pour qui les enfants portent-ils les armes ? Pourquoi une fillette devrait-elle préférer le mariage à l’étude ?

« C’est une question délicate », entendons nous en réponse à toutes les interrogations sur ce pays et ces enfants d’Iran. Pour nous, c’est justement parce que cette question est « délicate » qu’il faut s’en occuper avec soin.

« Mais que faire ? » nous demande-t-on ensuite. Nous avons toujours la même réponse : nous devons aider et veiller à l’éducation. En opposant « éduquer à embrigader ».

Pourquoi éduquer ?  Vraiment pourquoi ? Pourquoi donner un bâton pour se faire battre, pourquoi former des citoyens lorsqu’on peut donner à croire ? Pourquoi croire ne serait-il pas suffisant ? Croire que le système écologique, économique et social enfante ce qu’il doit enfanter. Voilà donc un « fatalisme oriental » appliqué aux enfants gavés de religion d’état – mais appliqué également aux difficultés d’ici et d’ailleurs.(…)

MoHa lance une très large campagne de signatures de la Charte de l’éducation

Grâce à ces dialogues, concertations et rencontres, et fort des apprentissages des congrès, MoHa a décidé de demander à ses amis et aux amis de ceux-ci une prise de position morale et simple contre les abus et pour l’aide aux enseignants et aux étudiants que nous défendons.

Dans ce but, et en manière de synthèse des différentes actions, MoHa lance une très large campagne de signatures de la Charte pour l’éducation. (…)

Congrès France et étranger

Séminaire d Oslo organisé par le comité norvégien pour la défense des droits de l’homme (14 au 16 avril 1997)

Le discours de Mme Dowlat Nourouzi, membre du CNRI et musulmane pratiquante, a été axé sur la large participation des femmes, notamment des musulmanes progressistes, lors de la révolution et la résistance féminine depuis le coup de force des religieux. (…)

Colloque sur l’intolérance.

Le 27 mars 1997, la Sorbonne et l’Unesco accueillaient un colloque sur l’intolérance dans le monde.

Jouant les trouble-fête, notre présidente a pris la parole à la séance de l’Unesco depuis le public, pour souligner que l’on ne peut fustiger l’intolérance politique dans le monde et oublier l’intolérance religieuse de la république islamique d’Iran. Elle a décrit l’embrigadement idéologique des jeunes. Elie Wiesel et Yehudi Menuhin furent sensibles à ses arguments. Les étudiants qui emplissaient la salle se sont montrés solidaires avec leurs camarades d’Iran. Nombre d’entre eux ont demandé leur adhésion à MoHa. Bienvenue ! (…)

Presse, Télévision et radio

Radio France Internationale : L’invitée de Vicky Sommet le 10 avril 1997 : Fariba Hachtroudi.

VS : Des nouvelles qui arrivent par bribes, c’est l’Iran. Un pays dont on ne connait pas les espoirs ni les attentes, mais qui intéressent ceux qui ne laissent pas indifférents l‘ancienne Perse, avec sa population un peu à l’écart du monde, et surtout les idéaux de liberté ou de démocratie et la vie des femmes, sur lesquelles on se pose beaucoup de questions, puisqu’on ne sait pas auprès de qui trouver les réponses. Fariba Hachtroudi vous êtes mon invitée aujourd’hui. Bonjour. (…)

V.S : Il n’y a pas de laïcité ?

F.H. : Pas du tout. C’est interdit ! Parler de laïcité, c’est faire « la guerre au représentant de Dieu sur terre ». Certains professeurs ont été battus à l’université ! L’espace s’amenuise de jour en jour. Même pour ceux qui étaient au sein de ce pouvoir.

V.S. : Fariba Hachtroudi, est-ce qu’il vous faut être discrète avec cette association MoHa ?

F.H. : Non, nous sommes très officiels. (…) Beaucoup d’iraniens s’engagent. Certains c’est vrai, s’engagent sans donner leur nom, car le phénomène de peur est réel.

V.S. : Comment peut-on travailler d’ici pour là-bas ?

F.H. : Nous avons des membres qui travaillent pour nous dans des réseaux clandestins. Nous faisons très attention, ils risquent leur vie. Vous savez, une loi islamique de l’année dernière stipule que toute personne ayant eu des rapports directs ou indirects avec des groupes anti religieux, c’est-à-dire tous les groupes laïcs, politisés ou politiques –nous par exemple- risque la peine capitale.

Vie et Nouvelles, Des iraniens et de l’exil

Quelques nouvelles de l’éducation nationale en république islamique.

Le budget de l’éducation nationale de l’année en cours présente un déficit de plus de 200 milliards de toumans, soit le double de celui de l’année dernière.

L’école primaire et secondaire accueille 18 300 000  lycéens et écoliers cette année. Selon la constitution, l’éducation est obligatoire et gratuite. Or :

  • L’inscription dans les écoles est de 2 000 toumans.
  • L’inscription dans les écoles semi-étatiques dites « écoles exemplaires populaires » (établies par le ministre de l’éducation nationale) est de 15 000 toumans pour l’école primaire et de 20 000 toumans pour l’enseignement secondaire (lycéens).
  • Seuls 3,5% de l’ensemble des écoliers du pays sont inscrits dans les écoles privées.
  • Le niveau éducatif est nettement supérieur dans les écoles privées.
  • L’interruption de la scolarisation des enfants est en nette augmentation depuis quelques années, surtout dans certaines régions pauvres.
  • Selon les sources officielles, 80% des familles iraniennes ne peuvent subvenir aux besoins scolaires des enfants. Le prix des livres a augmenté de 20% à 30% depuis l’année dernière, et celui du matériel scolaire a doublé.

Santé des écoliers iraniens.

[Statistiques partielles du ministère de la santé, reprise dans les journaux gouvernementaux de la république islamique : ndlr : toutes les statistiques « officielles » sont partielles et ne sont jamais le reflet que d’une partie du territoire, il faut les prendre comme de simples indications.]

  • 4 millions d’écoliers souffriraient de sous-alimentation chronique.
  • 140 000 enfants meurent chaque année de sous-alimentation ou des suites de maladies respiratoires bénignes.
  • Dans la région de Ilam, 40% des écoliers sont atteints de maladies graves pouvant mettre leur avenir en danger.
  • Dans vingt provinces du pays, près de 190 000 enfants sont atteints de maladies contagieuses.
  • Dans la capitale, 125 000 enfants sont atteints de troubles psychiques.

Militarisation et contrôle mental des écoliers et lycéens dans les établissements scolaires.

Les instituteurs de l’instruction éducative doivent diriger et contrôler les enfants afin d’en faire de bons et loyaux musulmans, dignes de la société et de la république islamique. (…)

En outre, ils ont le devoir de rectifier l’éducation familiale s’ils la jugent nocive ou corruptrice pour l’esprit de l’enfant. (…)

Les contrôles des gardiens de la révolution se renforcent aux alentours des lycées, spécialement des lycées de jeunes filles.

Bref regard sur la situation des instituteurs et professeurs de lycées en Iran.

Le salaire de base d’un instituteur non titulaire est de 8 000 à 10 000 toumans par mois. Celui d’un instituteur ayant 20 ans d’ancienneté est de 15 000 à 18 000 toumans. Les instituteurs non titulaires ne bénéficient d’aucune aide sociale et ils sont très souvent payés en retard (quelquefois de plusieurs mois). Le quotidien Salam a publié la lettre d’un instituteur : « Nous les instituteurs non titulaires, sommes broyés sous le poids de la vie. Que pouvons-nous faire avec 8 000toumans dans ce pays ?

Un autre écrit : «  Nous n’avons ni sécurité sociale, ni avantages. Ils nous paient souvent nos trois mois de salaire avec cinq mois de retard ».

La seule réponse du ministère à cet état de fait reste : « Nous n’avons pas le budget ».

La très grande majorité des instituteurs et professeurs de lycées sont obligés d’effectuer plusieurs autres petits travaux en dehors des cours pour joindre les deux bouts.

Cadre enseignant et examen de passage.

Tous les ans un formulaire d’ « examen de valeur » doit être rempli par le directeur et le recteur (vice-directeur) de l’école pour chacun des cadres enseignants de l’enseignement primaire et secondaire. Quelques-uns des critères du formulaire de valeur sont : la participation active aux prières du vendredi, la participation à toutes les manifestations organisées par l’état, aux activités des dix jours de Fajr (date anniversaire de la révolution islamique le 20 février) et aux activités idéologico-politico-culturelles, le taux de participation aux conférences officielles, enfin le bon « encadrement islamique » des élèves.

Pour les femmes enseignantes, une « conduite islamique exemplaire », avec tenue vestimentaire islamique, est primordiale.

Quelques nouvelles des universités en République islamique.

L’islamisation des universités

(…) 40% des étudiants admis dans les universités d’Etat doivent appartenir aux familles des Gardiens de la Révolution, des volontaires des forces de mobilisation et des familles de martyrs de guerre ou d’éléments « fidèles à l’islam ». (…)

Assainissement des bibliothèques universitaires sous le contrôle du jurisconsulte clérical.(…)

Des unités de valeurs islamiques deviennent obligatoires dans toutes les disciplines. (…)

Le jurisconsulte clérical sera en charge d’établir et de codifier le cadre et les critères de l’islamisation des universités. (…)

L’envoi d’étudiants à l’étranger – y compris les boursiers – est désormais interdit.

La purge des professeurs indésirables.(…)

La séparation des sexes devra être totale dans tout l’espace universitaire et le tchador devient obligatoire pour les filles. (Jusque là, le port du foulard et d’un long manteau était jugé suffisant). (…)

L’ayatollah Djannati, secrétaire du conseil de la révolution culturelle : « Quand quelqu’un franchit l’enceinte de l’université, il faut que l’odeur de l’islam effleure aux narines ». (prière du vendredi 3 septembre 1996). (…)

Après avoir jugé très dangereuse l’ « offensive culturelle » des spécialistes, des chercheurs et des professeurs, M.Nategh Nouri a exhorté les responsables des forces armées à la combattre sans concessions et par tous les moyens. (… Fin novembre 1996, lors de la cinquième réunion des étudiants en théologie, les bassiji, des « fidèles » , etc., M. Rezaï annoncé la formation, à travers tout le pays, de nouvelles unités des forces de Mobilisation, dénommées Hezbollah.

Dans les universités, ces unités sont, entre autres, responsables de missions de « prévention du mal et d’incitation aux biens ».

Les organes de contrôle dans les universités.

Dans toutes les universités et les facultés, y compris les universités libres, l’ensemble de la vie universitaire est entièrement contrôlée par cinq à huit organes différents.

  • Herasat : la Garde ou la Vigilance ;
  • L’association islamique ;
  • La Force de Mobilisation estudiantine ;
  • L’état-major de l’ »incitation au bien et la prévention du mal » ;
  • Le bureau de la Propagande islamique ;le Bureau du Guide suprême (Ali Khaméneih) ;
  • Le Comité disciplinaire universitaire ;
  • La représentation du Hezbollah attachée au

La tâche de ces divers organes est de surveiller étudiants et professeurs. La conduite des uns et des autres devant être conforme aux « règles et mœurs islamiques », les organes de contrôle doivent s’assurer de leur bonne orientation et imposer la séparation totale des sexes. Nettoyer les universités des personnes « suspectes, anti islamiques ou anti gouvernementales », « assainir et islamiser » l’espace universitaire, tout cela est plus que jamais à l’ordre du jour. Ils doivent faire respecter les codes vestimentaires et physiques en vigueur (le port du voile obligatoire, l’interdiction du maquillage et des bijoux fantaisie, l’interdiction de porter des jeans et des vêtements dits « occidentalisés » etc.). Les responsables des mœurs ou le comité disciplinaire peuvent empêcher l’accès des cours aux étudiants qui seraient en infraction avec les règles vestimentaires. Ceux jugés « bons musulmans et fidèles aux principes de la religion » sont évidemment favorisés au détriment des éléments supposés « corrompus ou suspects ». En tout état de cause, les filles subissent une pression plus importante que les garçons. L’accès au cycle supérieur d’études, notamment dans certaines disciplines scientifiques, leur est rendu très difficile.

Les manifestations universitaires.

(…) Au mois de novembre 1996, plusieurs réunions de protestation ont eu lieu à l’université de Téhéran, où l’un des porte-parole des associations islamiques a ouvertement critiqué cet état de fait : « Le bâton brandi au-dessus de la tête des vrais penseurs et défenseurs de l’islam est le plus grand danger pour la révolution et l’islam. »

Exécutions d’étudiants.

Le groupe de défense des prisonniers politiques en Iran (section Allemagne) a publié la liste de 12 personnes exécutées par le gouvernement de la République islamique après les grandes révoltes populaires d’Islamchahr (près de Téhéran). Deux étudiants figurent sur la liste.

Selon le groupe, d’autres condamnés, notamment des étudiants, seraient en danger, des exécutions massives étant prévues pour bientôt.

Quelques nouvelles de la vie intellectuelle en République islamique

Nouvelles des médias, du monde de l’édition et de l’art.

(…) Durant le mois de novembre dernier les forces de l’ordre ont ratissé les résidences de divers quartiers de la capitale iranienne et ont confisqué près de 2500 antennes paraboliques.  Le 26 décembre 1996, le commandant des forces de l’ordre de Téhéran a affirmé avoir « découvert et confisqué » plus de 10 000 autres antennes et 960 récepteurs de télévision par satellites.

  • Le commerce et l’utilisation de récepteurs et d’antennes paraboliques est passible d’amendes de 100 000 à 500 000 toumans.
  • Le commerce ou la vente au détail des antennes et récepteurs (marchandises interdites et illégales) est passible d’une amende de 500 000 toumans et d’une peine d’emprisonnement.
  • 1 million de toumans d’amende et une peine d’emprisonnement ferme sont prévus pour les importateurs de ces appareils.(…)
  • Proposition d’une chaîne de télévision exclusivement réservée aux femmes pour cause de « chasteté islamique ».(…)

Le monde de l’édition en Iran.

De la difficulté des écrivains et éditeurs en matière de publication.

Avant toute distribution de leur livre, les écrivains iraniens sont obligés de faire une publication préalable, à leurs frais, afin de présenter leur œuvre en bonne et due forme au ministère de l’Orientation islamique.

En cas de fraude, des amendes très élevées et des peines allant jusqu’à la fermeture et l’interdiction totale de toute activité pour l’éditeur sont prévues par la loi.

La censure, les autodafés et les attaques de librairies sont orchestrés par les plus hauts dirigeants de la République islamique.

Le guide suprême Ali Khaméneih, a déclaré le 22 octobre 1996 : « La république islamique est aujourd’hui le hait lieu de la pensée humaine dans la droite ligne de l’islam séculaire. (…) Pour empêcher les méfaits dévastateurs des livres sur l’âme et la pensée de nos citoyens, la révision des œuvres écrites est une nécessité ».

Dans une interview du ministre de l’Orientation islamique, M. Mir Salim, publiée dans le quotidien Salam du 28 novembre 1996, celui-ci insiste : « Les œuvres culturelles ne doivent pas choquer l’opinion publique ou blesser les croyances de la société(…) ».

Les milices sont très actives depuis l’ordre d’ « islamisation des universités et des centres culturels » lancé par le guide. Les plaintes réitérées et les bavures perpétrées dans les librairies connues pour être parmi les plus « islamiques » qui soient ont obligé le ministre à demander plus de prudence.

Des programmes télévisés à scandale.

Signalons que le programme culturel identité, de la première chaîne, est une déclaration de guerre ouverte sans merci aux intellectuels iraniens.

Depuis l’été dernier, ce programme les intimides et les menaces plus ou moins ouvertement. Identité est en fait un tribunal télévisé où écrivains, philosophes et intellectuels iraniens (morts ou vivants) sont condamnés pour leurs pensées, leurs œuvres, leur vie.

Ils sont copieusement insultés par les présentateurs qui conseillent aux intellectuels – cités nommément, ainsi que leurs œuvres – de se méfier des « conséquences » des pensées et écrits corrupteurs, anti islamiques, immoraux ou amoraux. Le public via les médias, notamment le mensuel  Adiné (n°111) , a ouvertement critiqué cette émission.

Les répliques des dirigeants, en défense au programme, démontrent la volonté de mener à son terme la guerre anti intellectuels

  1. Radjabi, responsable de la fondation Farabi, a dénoncé les intellectuels iraniens en ces termes : « Ces gens (les intellectuels) parlent plus qu’ils ne savent et font plus de vagues qu’autre chose. (…) Ils n’ont produit aucune œuvre majeure qui ait perduré, ni en sciences, ni en philosophie, ni en art (..).L’intellectuel est un être qui pense par lui-même, sans accepter aucune limite à sa pensée. Il donne des avis sur tout et, qui plus est, critique ; cela est contraire, en soi, à notre essence religieuse, qui reconnait des limites à la pensée humaine(…). En conclusion, un intellectuel est viscéralement opposé au règne du jurisconsulte et à notre Imam. »

Brèves sur le cinéma iranien.

Décisions d’islamisation de la culture : le ministère de l’Orientation islamique exige de nouveaux critères pour les scénarii de film.

Les réalisateurs iraniens, même ceux approuvés par les instances du pouvoir, comme Khatami Nia, affirment que dorénavant aucune activité artistique n’est possible en Iran. Les nouvelles orientations des dirigeants, ajoutées aux excès de zèle politique des sous-fifres, décourageraient les plus optimistes, selon la loi.

L’espace vital s’amenuise en Iran et la vague des réfugiés iraniens grossit.

Parmi eux se trouvent des artistes, des intellectuels et des journalistes célèbres.

Selon des rumeurs, Mohsen Makhbalbaf, réalisateur reconnu et primé dans plusieurs festivals internationaux, voulait quitter l’Iran pour l’Europe. Fervent adepte de la République islamique, puis désenchanté, le cinéaste est devenu critique envers le pouvoir ces dernières années. La rupture semblait inévitable. Dernièrement, la milice officieuse – les Compagnons du Hezbollah – a attaqué une salle de cinéma où était projeté un film du cinéaste, dans le cadre d’un festival.

  • Abbas Ma’roufi, directeur de la revue Gardour, s’est installé en Allemagne.
  • Le philosophe islamiste Abdol Karim Sorouche s’est installé en Grande-Bretagne. Ces derniers mois Sorouche avait été malmené à plusieurs reprises par les miliciens de Compagnons du Hezbollah à l’université de Téhéran, où il devait donner des conférences.
  • La disparition, puis la réapparition miraculeuse de Fardj Sarékouhi, rédacteur en chef de la revue Adiné, laissent pantois. Début novembre, le rédacteur en chef de Adiné disparait à l’aéroport de Téhéran, alors qu’il devait se rendre en Allemagne. Cinquante jours plus tard il réapparait dans le même aéroport pour une conférence de presse dans laquelle il affirme être allé comme prévu en Allemagne. (…) Le 30 janvier dernier, une lettre de Farj Sarékuohi (adressée à sa femme) a été publiée dans un quotidien allemand largement reprise par les médias internationaux (Le Monde du 221997), où il « fait état de son arrestation à l’aéroport le 3 novembre, des conditions de sa détention et des tortures dont il a été victime durant quarante-cinq jours, alors que le régime iranien prétendait qu’il avait rejoint l’Allemagne ».

Peur d’internet.

Les religieux iraniens et autres autorités de l’Etat prétendent qu’internet est aussi « dangereux, diabolique et malfaisant que le  livre de Rushdie ». (…) Le quotidien Sobb exige qu’internet soit interdit, au même titre que les antennes paraboliques.

Quelques nouvelles des réfugiés iraniens.

On estime très approximativement à près de 3 millions le nombre de réfugiés, apatrides et demandeurs d’asile politique iraniens à travers le monde. (…) Plusieurs pays européens ont retiré l’Iran de leur liste des pays violant les droits de l’homme. (…) L’extradition des réfugiés vers l’Iran est en cours dans de nombreux pays européens, notamment au Pays-Bas, en Allemagne, en Suède, au Danemark et en Turquie. De l’aveu même des autorités concernées et des organisations  non gouvernementales d’entraide aux réfugiés, il n’est pas possible de suivre les réfugiés à leur retour au pays.

Paroles de réfugiés : 3 enfants dans un camp près d’Amsterdam (Pays-Bas)

Trois frères iraniens, camp de réfugiés, novembre 1996

Milad, neuf ans, écolier iranien. Il est arrivé en Hollande depuis quelques jours. Il vit avec ses deux frères et ses parents dans un camp à 30 km d’Amsterdam. En attendant la décision des autorités hollandaises concernant le statut de réfugiés politiques demandé par ses parents, Milad va à l’école et apprend le hollandais.

Q : Es-tu content d’être ici ?

R : Oui. J’aime l’école d’ici. Il  n’y a pas de punitions physiques. Les professeurs sont beaucoup plus gentils.

Q : Il y en avait beaucoup en Iran ?

R : Oui beaucoup, à vrai dire sans arrêt. Pour mauvaise conduite, par exemple, quand on jouait dans la cour pendant les récréations. Nous étions beaucoup trop nombreux, la cour était minuscule, forcément ça faisait pagaille. On nous avait carrément interdit de jouer pendant les récrés. Ceux qui jouaient étaient punis physiquement.

Q : Comment ça ?

R : Ils nous frappaient sur les doigts avec une règle, nous tiraient les oreilles, et si c’était très grave ils nous fouettaient sur la plante des pieds.

Q : Qui ça « ils » ?

R : Soit le proviseur général, soit le professeur d’instruction éducative et religieuse. Ils nous battaient aussi quand on avait de mauvaises notes en instruction religieuse, ou quand on posait de mauvaises questions, ou si on mentait. Par exemple, il fallait savoir par cœur la conduite à tenir pour aller au paradis et tout ce qu’on doit faire pour éviter d’aller en enfer. Et comme il ne fallait pas mentir, ils nous grondaient et nous punissaient physiquement quand on mentait !

Q : Pourquoi mentais-tu ?

R : Je ne mentais pas, mais je ne répondais pas, ce qui revenait au même pour eux. Par exemple, quand ils me demandaient si ma mère priait à la maison ou si elle mettait tout le temps son foulard, je ne répondais pas parce que mon père m’avait dit que je n’avais pas à répondre. Eux, ils me punissaient et me disaient que j’irais en enfer et ils nous décrivaient l’enfer jusqu’à ce qu’on pleure.

Mostafa, quatorze ans, lycéen. Frère de Milad. Ils ont les mêmes conditions d’existence.

Q : Tes parents nous ont dit que tu voulais t’enrôler dans les forces de Mobilisation volontaire. Pourquoi ?

R : Le directeur de notre école était un pur hezhollahi, très strict sur les règles et l’éducation religieuse. L’ambiance de notre école était très particulière et les enseignants militaro-religieux très intenses.

Beaucoup d’enfants venaient pour le petit déjeuner. Ils mettaient des chaînes devant le portail de l’école les jours de prêches religieux. Exactement comme dans une prison.

Q : Comment étaient les professeurs ? Comme le directeur ?

R : Non, pas tous. Mais pour avoir la paix ils ne se mêlaient pas de nos affaires. Ils ne se fatiguaient pas beaucoup non plus, pendant les cours certains dormaient carrément et nous demandaient d’apprendre les livres par cœur.

Q : Quels étaient vos distractions ?

R : La Bassij nous emmenait visiter les villes et les lieux saints. Un jour nous sommes allés près d’un puits supposé être le puits de Zam Zam (puits dans lequel se cacherait le douzième Imam). Nous avons prié toute la matinée.

Q : Quand as-tu décidé de t’enrôler dans le Bassij paramilitaire ?

R : Le jour où le commandant en chef des gardiens Mohsen Rezaï nous a donné des médailles de reconnaissance et nous a dit que nous pourrions nous entraîner militairement et avec de vraies armes pour la défense sacrée…L’idée des armes m’excitait.

Q : Et aujourd’hui, que penses-tu de tout cela ?

R : Je suis content de m’en être sorti. J’ai eu beaucoup de disputes avec mes parents, mais c’est en arrivant à l’étranger, et avec tout ce que je vois ici, que je commence à saisir un peu mieux.

Dans notre école le directeur en personne nous battait s’il apprenait que nous regardions les filles. J’avais fini par détester les filles… Ici, je comprends enfin que je ne commets aucun péché ! Au début j’avais peur de les approcher.

Mohamad, quinze ans. Frère ainé de Mostafa et de Milad. Mohammad ne va pas encore au lycée : il n’y a pas de place pour l’instant et il est sur la liste d’attente. Il n’assiste à aucun cours, ce qu’il vit très mal.

Oui, quand on aime étudier on peut toujours le faire. D’ailleurs, il n’y avait rien d’autre à faire en Iran. Si je n’avais pas pu étudier je serais devenu fou.

Q : Avais-tu les mêmes contraintes que tes frères ?

R : Oui, l’instruction religieuse, les balades en mosquées etc. sont de mise dans tous les lycées. Les cours d’instruction religieuse sont obligatoires. Les notes de conduite en dépendent beaucoup. La note de conduite est la note la plus importante pour la suite des études… J’avais beau avoir 20 en maths, quand j’avais 12 en conduite et pour des raisons incompréhensibles, c’était grave pour la suite. La note de conduite est la clef des études supérieures. Si vous avez un bac scientifique avec les meilleures notes dans les matières scientifiques, mais si vous avez une mauvaise moyenne en conduite pendant les trois dernières années de lycée, vous ne serez pas accepté dans les écoles préparatoires, qui sont des écoles d’état. C’est une mesure éliminatoire pour les concours universitaires, mais qui n’a rien à voir avec les études proprement dites.

Q : En quoi consistait les cours éducatifs et d’instruction religieuse ?

R : L’instruction religieuse est pareille presque partout. L’histoire de la religion, le Coran, les saints etc. L’instruction civique consistait à commenter la politique, les journaux, etc. Critiquer les journaux qui osaient critiquer certains dirigeants, par exemple. Mais il fallait savoir de quelle tendance était notre propre professeur, sinon on risquait gros. Hurler « Mort à l’Amérique et mort à Israël ! Mort aux contre-révolutionnaires ! » pendant les hymnes du matin était aussi de toute première importance. Mais ce qui l’était plus encore, c’était de dénoncer les mauvais camarades. Savoir le Coran par cœur, c’était finalement l’exercice le moins difficile et le moins dangereux, pour quelqu’un comme moi. Mais vous n’obteniez pas forcément de bonnes notes de conduite.

Paroles de mère

Je voyais que Mostafa allait devenir tôt ou tard un oppresseur de femmes. Il s’habillait comme eux, parlait comme eux, utilisait le vocabulaire des plus détestables des mollahs, il devenait misogyne.

J’avais mon ainé qui adorait les études et les sciences, et qui, pour des histoires d’idéologie et d’orientation islamique, risquait au mieux, de ne pas pouvoir se présenter au concours d’entrée à l’université ou d’être dégouté des études. Je voyais mon cadet, que l’on battait pour avoir joué et chahuté pendant la récréation. Et j’étais impuissante, je ne pouvais rien faire. Rien. Sinon pleurer.

Bref regard synoptique sur la situation et ses particularités

En république islamique d’Iran les écoles et les universités sont celles de la religion d’état. Les examens idéologiques tout au long des études sur cette « matière principale » sont l’épreuve éliminatoire pour les différents concours et examens d’université.

Mauvais traitements

  • Mise au ban des enfants récalcitrants souvent suivie de renvois arbitraires.
  • Châtiments corporels de plus en plus en usage (coups de fouet etc.).

L’embrigadement

  • Participation obligatoire pour les écoliers et lycéens à des activités paramilitaires encadrées par l’ « armée des forces volontaires des gardiens de la révolution ».
  • Guerre acharnée contre l’ »invasion culturelle occidentale « imposée et orchestrée par la religion d’état.

La ségrégation :

  • Taux de scolarisation moins élevé pour les filles.
  • Interruption de la scolarisation des fillettes sur simple décision du père ou du tuteur, notamment par des mariages précoces très répandus (âge légal du mariage : neuf ans pour les filles).
  • Traite des fillettes en bas âge par des réseaux de travail et de prostitution.
  • Plus grande augmentation de l’analphabétisme dans la population féminine.

Comment agissons nous ?

Par exemple nous sommes opposés à tout système d’endoctrinement et nos valeurs fondamentales sont celles qui animaient Mohsen Hachtroudi : la laïcité, la rigueur scientifique, la place de l’esprit et de l’action intellectuelle hors d’atteinte des pouvoirs. A tout cela nous veillerons.

Nos buts.

  • Joindre et unir les volontés et les compétences
  • Bourses (étudiants et jeunes chercheurs etc.)
  • Aides de solidarité (famille en difficulté etc.)
  • Soutiens (soutiens scolaires, classe de persan, classe de langue du pays d’accueil)
  • Réseau de parrainage des étudiants (université, centres de recherches, entreprises, logements etc.)
  • Séminaires, colloques, publications
  • Réfléchir sur l’histoire de l’Iran.