Retour sur une année de lutte

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Un an de révolte iranienne

L’évènement déclencheur

Localisation des villes où se sont déroulées les manifestations.

13 septembre 2022

Lors d’un séjour touristique en famille à la capitale, la jeune Mahsa Amini est arrêtée pour port non conforme du voile. Maltraitée en détention, elle meurt le 16/09/22 après 3 jours de coma. Première manifestation devant l’hôpital Kassra où elle est décédée. Une semaine plus tard, soulèvement de toutes les couches de la société dans 31 provinces de l’Iran.

Les victimes des soulèvements

Au moins 529 morts selon le communiqué de Harana (l’organe de presse des activistes des Droits Humains en Iran). Selon un rapport secret émanant du Sepah (Armée des gardiens de la Révolution), le nombre serait de 1500 dont 75 femmes et jeunes filles ainsi que 71 enfants et adolescents.

Kian Pirfalak, 9 ans, tué le 15 novembre
Kian avec son père Meissan Pirfalak, gravement blessé lors de la mort de son fils
Kian, son père et son petit frère Radine et sa mère Zeynab Molayed Rad.

 

Hasti Narouii

Hasti Narouii, une des petites filles tuées lors du premier « vendredi noir de Zahedan » (Baloutchistan Iranien) le 30 septembre. Elle avait 7 ans et devait commencer sa première année d’école la semaine suivante

Causes des décès

  1. Tirs à bout portant de balles en caoutchouc sur les organes vitaux (têtes, thorax), tirs d’armes létales (snipers) visant les organes vitaux, matraques : coups directs à la tête (hémorragies cérébrales)
  2. Tortures et absence de soins : au moins 15 personnes identifiées.
  3. Condamnés à mort : au moins 109 personnes répertoriées, dont trois emblématiques : Mohsen Shekari, pour avoir bloqué une rue, Mohammad Mehdi Kamari et Seyed Mohammad Hosseiny pour s’être physiquement opposés aux forces de l’ordre.

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De droite à gauche : Mohsen Shekari, Mohammad Mehdi Karimi, Seyyed Mohammad Hosseyni

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  1. Suicides et morts suspectes après libération :

Un certain nombre de personnes arrêtées,
notamment des mineurs de moins de 18 ans,
se sont suicidés après leur arrestation ou sont morts de mort suspecte.

 

Archia-Eman-Qolizadeh
Maryam Arvine
Yalda Aqa Fazli
  • Archia Eman Qolizadeh, 16 ans, résident à Jolfa (province d’Azebaïdjan), arrêté pour avoir fait tomber le turban d’un mollah, a mis fin à ses jours, deux jours après sa libération
  • Yalda Aqa Fazli, artiste de 19 ans, arrêtée le 29 octobre, morte de mort suspecte 5 jours après sa libération
  • Maryam Arvine, avocate et membre du Collectif des avocats de la province de Kerman, arrêtée devant le tribunal de Sirjan (province de Kerman) pour avoir défendu des manifestants. Libération conditionnelle après 3 semaines de détention. Communiqué du Collectif annonçant sa mort suspecte 55 jours plus tard.

Blessés :

Plus de 8000 personnes répertoriées dans une seule province. 580 personnes au total ont perdu un œil.

Un montage photo contestataire dénonçant les atteintes aux yeux.

« Viser les yeux était l’une des stratégies de la répression »

Kidnappés :

Un nombre important. Pas d’estimation exacte excepté pour les enfants et les adolescents : au moins 186 (154 garçons et 32 filles) d’après une source intérieure confirmée.

Arrestations :

Jusqu’au 08-11-2022, au moins 22000 selon le pouvoir judiciaire : 708 étudiants, 73 journalistes et reporters, plus de 100 artistes et au moins 15 avocats répertoriés.

D’autres sources se référant à la Voix de l’Amérique (radio-télévision en persan du gouvernement américain) parlent de 60000 arrestations. 

Niloufar Hamedi et Elaheh Mohammad

Niloufar Hamedi et Elaheh Mohammadi, les premières journalistes à avoir médiatisé la mort de de Mahsa, arrêtées et mise à l’isolement, toujours en prison.

 

163 villes contestataires

Boulevard Kechavarz à Téhéran, attaque d’un fourgon de miliciens camouflé en ambulance.

144 universités contestataires

L’université, l’épicentre et le bastion de la contestation depuis la mort de Mahsa est toujours mobilisée à travers le pays malgré la répression qui la vise et ne fléchit pas.  

L’arrestation des étudiants a été massive : 637 en trois mois (17 septembre / 15 décembre 2022). Ces arrestations se poursuivent.

Nazila Maroufian

 Nazila Maroufian, étudiante en journalisme, arrêtée quatre fois après de courtes libérations. Elle se trouve toujours en prison

Interdiction d’accès aux universités : Les étudiants (tes) contestataires sont interdits d’accès (décret du ministère de l’intérieur) aux universités et chassés de leurs dortoirs. L’usage de violence est systématique et légalisée.   La stratégie d’interdiction d’accès aux universités se poursuit et se renforce. (voir Voile sur l’Université des Beaux-Arts)

Tortures et viols des étudiantes et étudiants en prison :  Une réalité répandue et avérée selon plusieurs Organisations des Droits Humains, y compris de l’intérieur.

L’attaque violente de l’université Charif  (Téhéran) le dimanche 2 octobre 2022, où les miliciens ont ouvert le feu sur les étudiants, a provoqué un scandale national et international. Plusieurs étudiants sont toujours portés disparus.

Saba Eskandari

Saba Eskandari étudiante en licence – Conseil et Orientation- à l’université de Téhéran interdite d’université pour refus du port du voile (voir Voile sur l’Université des Beaux-Arts)

Le gazage des écolières et lycéennes qui ont rejoint le mouvement contestataire a débuté le 30 novembre 2022 à Qom, « ville sainte » et centre religieux du pays. Plus de 5000 cas d’intoxication dans 25 provinces, 230 écoles. Les attaques ne sont pas élucidées à ce jour

Enfin, en ce mois d’août 2023, du jamais-vu en Iran

(voir Iran : un brasier social dans un été caniculaire)

La foi se dresse contre la religion d’état, au nom de la jeunesse iranienne 

Lors des célébrations du mois sacré de Moharram, où les Chiites commémorent chaque année leurs saints Martyrs, la parole religieuse a été détournée : Deuil national, hommage aux jeunes victimes, critique acerbe de la répression et contre le tyran théocratique !

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Et maintenant ?

Tentative de « grand remplacement » dans les universités

Arrestations, licenciements, interdiction d’accès à l’université des professeurs solidaires :  Cette stratégie répressive s’est amplifiée ces derniers mois. Plus de 60 professeurs titulaires ont été suspendus ou contraints à la retraite. Et la vague d’épuration des universités continue de plus belle. Le journal Etemad a ajouté les noms de 52 professeurs « remerciés » contre leur volonté et qui s’ajoutent aux 118 précédents.

Journal Etemad, photos des 52 professeurs licenciés ou contraints à la retraite.

La stratégie gouvernementale depuis ces deux dernières années (le gouvernement Raissi) est l’épuration totale des centres éducatifs du pays. Les plus visés : l’Université et la Faculté de Médecine de Téhéran, l’université Allameh Taba Tabai et les universités libres (privées-payantes).

Maham Miqani

 Maham Miqani, professeur à l’Université des Beaux-Arts, licencié d’office et sans préavis le 5 septembre 2023. Il est connu comme l’un des fervents défenseurs de ses étudiants et du mouvement « Femme-Vie-Liberté ».

 

Convocations et menaces : contacts individuels par SMS. Les étudiants les plus actifs et les professeurs « récalcitrants » sont particulièrement visés.

 

Psychiatrisation de la contestation.

Des dossiers sont montés contre les étudiants et surtout les étudiantes rebelles. Certains sont transférés depuis la prison en hôpital psychiatrique.

En Iran, des soins “psychologiques” imposés pour les femmes hostiles au voile obligatoire

 

Soha Mortezai

Soha Mortezai, étudiante arrêtée l’année dernière pour refus du port du voile. 

« Par n’importe quel moyen, nous règlerons ce problème, quitte à l’envoyer à l’asile ». Adresse de Majid Sarsangui vice-recteur de l’Université de Téhéran, aux collectifs étudiants.

Saman Yassine

Saman Yassine, chanteur de rap, condamné à la peine capitale, transféré le 24 juillet 2023 en asile psychiatrique

L’objectif du pouvoir, transformer les universités en camps militaires :

Nous avons déjà dénoncé la collaboration des nouveaux Présidents d’université (nommés sous ce gouvernement)  avec les services de renseignements. Il s’agit à présent de mettre au pas le corps enseignant et les chercheurs. (voir Mahsa Amini : Ils attaquent, ils tuent mais “No Passaran” !).

Manifestation des étudiants avec les slogans : Liberté – Égalité. L’université n’est pas un camp militaire !

Mohsen Ranani, professeur d’économie de l’Université d’Ispahan, dénonce dans une lettre ouverte le projet d’embauche de 15000 nouveaux membres « sous contrôle » dans les comités scientifiques des universités : « Le coup d’état des forces de sécurité contre le corps scientifique est le coup de grâce contre la science dans ce pays. Une nouvelle “révolution culturelle” est en route » (une allusion à la révolution culturelle menée par Khomeiny à son arrivée au pouvoir, avec la fermeture des universités pendant plus de deux ans).

« Il est question d’injecter des membres des gardiens de la révolution comme professeurs titulaires dans toutes les universités. Certains, notamment dans les disciplines scientifiques et technologiques, sont très calés scientifiquement mais ils ne se contenteront pas d’enseigner leur discipline ! Le régime a beaucoup investi en eux et ils doivent le servir ! » nous a dit au téléphone un éminent professeur de Physique appliquée « démissionnaire ».

La riposte estudiantine et la résistance qui ne désarme pas :

La désobéissance civile : Notamment le refus du port du voile comme symbole du régime, dans les rues et les universités « quitte à en mourir ».

Sepideh Rachnow

Sepideh Rachnow, étudiante à l’Université Al Zhara de Téhéran, interdite d’études pour port du voile non réglementaire, blessée chez elle lors d’une tentative d’arrestation par une dizaine de miliciens

Étudiantes contestataires contre le voile.

Résistance intellectuelle et production de matière grise :

L’injustice, l’oppression et la répression aveugle ont fait émerger des dizaines de publications (sur papier), de web-magazines et de forums estudiantins en ligne. Exemples de thèmes : « Bases de la démocratie et du vivre ensemble », « Mondialisation du libéralisme et violence », « Rapports entre droits humains et libertés individuelles, « Féminisme en Iran et dans le monde »…

Quelques extraits :

Radical : publication estudiantine de l’Université de Tabriz

« Le mouvement estudiantin doit agir comme une force sociale de changement structurel contre les normes esclavagistes. Cette existence imposée aux étudiants n’est pas la vie. Ils doivent s’en affranchir pour transformer l’université en un espace-vie autonome pour les étudiants. »

L’article de Hossein Esmati dans Radical

Takapou (Le combat), publication estudiantine.

« La désobéissance civile, c’est quand le peuple refuse pacifiquement de suivre une loi qu’il estime inique et immorale. Il le fait en toute connaissance de cause, quitte à être arrêté et enfermé. »

Un extrait de l’article Liberté du port du voile, une des voies de la désobéissance civile

Petite écolière hors d’atteinte de la force coercitive. Illustration d’une étudiante.

Azarvan, mensuel (sporadique)

« Un régime totalitaire a une idéologie qui prétendrait expliquer l’évolution de l’histoire de l’humanité et, en même temps, ne tire aucune leçon de l’expérience historique. »

Le titre de l’article : Arguments fallacieux

 

Takapou (Le combat), publication estudiantine

« La société est à la base des inégalités hommes/femmes (…) Aujourd’hui le féminisme se redresse dans le champ de bataille contre les discriminations et il se lance dans la défense des droits fondamentaux des femmes sur la base de l’égalité absolue. Le mouvement féministe n’était qu’un combat timide pour les droits des femmes. Il s’est métamorphosé de petit arbuste en arbre gigantesque avec des racines solides. Il se présente à l’échelle mondiale comme un mouvement à la fois culturel et politique. »

Un extrait de l’article de Ali Shah Hosseiny : Le féminisme dans le miroir de l’histoire

Avec une illustration des ouvriers et ouvrières de l’ère industrielle.

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Pour pour soutenir cette résistance, Mo-Ha a plus que jamais besoin de vous.

N’oubliez pas de nous communiquer votre contact si vous contribuez par virement ou chèque ou bien sûr en espèces.Joindre certains donateurs n’étant pas possible, nous ne pouvons ni les remercier, ni leur transmettre un reçu, ni les informer des suites de l’action.

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